Avec Valérie Donzelli, Jérémie Elkaïm, Philippe Nahon
Article publié sur Il était une fois le cinéma
Ancienne attachée de presse, Élise Girard passe derrière la caméra pour un premier film prometteur bien qu'inégal.
Sur un quai de gare, Julien rompt avec Marie. La mort dans l'âme et un bébé dans le ventre, la jeune femme va devoir réinventer sa vie de future mère.
Pour son premier film, Elise Girard s'empare d'un thème assez peu traité au cinéma : celui d'une femme enceinte abandonnée par son compagnon. Plus encore que le sujet, le point de vue adopté retient l'attention puisque le film prend le parti de se focaliser sur le personnage de Marie. Un sujet et un point de vue singuliers et ambitieux qu'il faut assurément mettre au crédit de ce premier film.
Si Belleville-Tokyo séduit par son pitch, il peine en revanche à convaincre formellement. Quelques scènes fortes éclairent le film mais, sur la longueur, Elise Girard échoue dans sa quête du bon tempo et du juste ton. A l'écran, l'on pense souvent à Truffaut et, plus près de nous, à Christophe Honoré, qui aurait pu trouver dans ce scénario le matériau d'un de ses films. Pourtant l'élève n'égale jamais ses maîtres. La faute sans doute à une mise-en-scène qui fait sienne le parti-pris de Marie, celui de refuser de se poser en victime. En voulant se distinguer de la veine d'un cinéma d'auteur « psychologisant », Elise Girard opte pour une retenue et un goût de la litote qui privent l'intrigue de son épaisseur : à force de ne pas montrer les sentiments des personnages, le film aligne les scènes, égrène les mois de grossesse, sans que se dessinent à l'écran de véritables inflexions, de réels retournements, un début d'histoire. L'on peine dès lors à s'intéresser véritablement à Marie et Julien, tant leurs motivations et leurs sentiments restent insondables. Tantôt outré, tantôt sur la réserve, le jeu des deux protagonistes principaux déroute également : ces changements soudains de tonalités fragilisent la crédibilité et la cohérence du film. La faute également aux dialogues : le souci de concision et de pudeur qui gouverne l'écriture les transforme trop souvent en échanges plats et fades. En évitant l'écueil du pathos, le récit n'évite pas celui de la banalité.
Projet personnel, réalisé avec ardeur et sincérité, Belleville-Tokyo reste un premier film trop fragile pour emporter l'adhésion. Si l'émotion affleure parfois à l'écran, jamais l'histoire personnelle ne devient réellement universelle. On se sent exclu d'un récit qui se déroule pour lui-même, prisonnier sans doute d'un carcan trop autobiographique, trop intellectuel, trop parisien. Sortir de Paris, passer le périph', faire le mur : voilà ce qui aurait sans doute fait le plus grand bien à Belleville-Tokyo.