1h32. Sortie le 1er juillet 2009.
« C'est du Woody Allen » : telle était la formule consacrée par laquelle, depuis dix automnes, les fans accueillaient, un peu embarassés, les inégales cuvées du maître. Car mis à part quelques évidentes réussites récentes (Match Point), il était devenu difficile de dire beaucoup de bien des productions alléniennes des années 2000. Comme si le cinéaste était au bout de son Art et qu'il avait achevé d'en explorer toutes les arcanes.
Après avoir déserté pendant quatre ans la ville qui avait servie de décor à tous sa filmographie, Woody Allen signe avec Whatever works un retour gagnant sur ses terres. Le juif new yorkais le plus connu du monde retrouve les rues de Manhattan et nous offre une oeuvre dont le rythme et la verve renouent avec le niveau de ses meilleures productions. On y retrouve le charme des premiers Woody Allen, et pour cause : l'idée originale du film date de 1977. Un Woody vintage, en quelque sorte.
Aussi, et l'on ne s'en étonnera pas, ça parle beaucoup, ça parle bien. Ça parle vite aussi, très vite. Dès le premier plan du film, M. Boris Yellnikoff, intellectuel juif new-yorkais angoissé, nevrosé et vieillissant (toute ressemblance avec une personne connue serait évidemment fortuite...) interpelle le spectateur, face caméra, pour dire tout le mal qu'il pense de ses contemporains et notamment des enfants, véritable ramassi d'imbéciles.
La première et grande vertu du film c'est qu'on rit beaucoup à la vision de Whatever works. Les bons mots fusent, les méchancetés sont assainnées avec délectation par un M. Yellnikoff persuadé de sa supériorité et qui jure que le prix Nobel lui est jadis passé de peu sous le nez... Certes, les situations sont souvent caricaturales et les caractères des personnages particulièrement outrés. Mais, la bonne idée de Woody Allen est de renoncer à interpréter le personnage principal du film et d'offrir le rôle à Larry David, tout à fait convaincant et drolatique dans le rôle de Boris Yellnikoff. La distance que cet acteur comique prend avec les prestations jadis proposées par le cinéaste pour de tels personnages offre au film une belle réflexivité et un second degré qui permettent de vivifier et d'aérer un scénario et des situations qui par ailleurs ne renouvellent guère les ingrédients de la comédie allénienne. Les seconds rôles, comme à l'habitude, sont tenus par d'excellents comédiens et finissent d'emporter l'adhésion du spectateur. Mention spéciale à Patricia Clarkson pour son interpétation jubilatoire d'une mère au foyer en pleine émancipation.
Au final, ainsi que son titre nous l'indique, le film ne prétend guère déployer une leçon de vie. Il parie, amusé, que si tous les conservateurs américains s'épanouissaient, ils deviendraient gays ou babacools. Il conclut que les jeunes filles qui épousent des personnes âgées finiront par les quitter... Rien de renversant donc sur le fond mais, tout au long du film, se fait entendre une petite ritournelle, celle d'un cinéaste assagi et philosophe qui résume en deux mots sa vision de son Art et de la vie : « Whatever works » (littéralement : « n'importe quoi, pourvu que ça marche »). Et, vraiment, cette fois-ci, ça marche.