20 août 2009

Inglorious Bastards : Hitler chez les Indiens.

Inglorious Bastards film américain de Quentin Tarantino.
19 août 2009. 2h30.


Il était un fois... en 1943. Douze américains justiciers parachutés en France pour scalper du nazi. Une jeune juive française qui tente de venger sa famille massacrée par un officier allemand. Une actrice qui joue un double jeu. Des destins croisés qui fondent l’intrigue loufoque et inattendue du film Inglorious Bastards. Ajoutons-y un casting international particulièrement réjouissant : Brad Pitt en chef guérillero des Bastards, Christophe Waltz, couronnée meilleur acteur à Cannes pour sa désopilante composition d’officier nazi lettré et sanguinaire, Diane Kruger, qu’on découvre enfin sous le jour d’une bonne actrice et pas seulement d’une belle figure, sans oublier la très étonnante Mélanie Laurent, dans le rôle exigeant de Shosanna Dreyfus. Nous voici donc engagés dans la nouvelle aventure du cinéma de Tarantino.

Dès le générique, on retrouve les charmes et les tours qui ont fait le succès planétaire du réalisateur de Pulp Fiction : exploration et détournement du cinéma de genre, superposition des intrigues et manie de la citation. Mais, puisqu’on est en temps de guerre, Tarantino n’hésite pas à en remettre une louche et à sortir la grosse artillerie : blagues énormes, plus énormes que jamais, personnages improbables, situations invraisemblables, décors en carton pâte... On n’y croit pas, pas même une seconde. Nous voici donc dans une guerre d’opérette, une réalité devenue fantasque par la magie du cinématographe.

Tout est là et pourtant on peine à rentrer dans ce film qui se déploie à grand renfort de prouesses visuelles, de trouvailles de mise en scène, mais aussi de longueurs. L’enchaînement d’idées et de morceaux de bravoures visuels ne saurait en effet suffire à faire un film. Quant aux dialogues ciselés qui sont une des marques de fabrique du cinéaste, ils sont parfois savoureux mais se retrouvent trop souvent étouffés au cœur de tunnels de verbiages et de scènes interminables. Car, le gros souci de Tarantino, c’est que le spectateur a bien compris à présent sa posture de cinéaste du décalage et du contre-pied. A telle enseigne qu'on se trouve souvent en mesure d’anticiper ce qu’une très longue scène prétend faire découvrir avec étonnement.

Reste néanmoins intacte la force divertissante du film. Même si Inglorious Bastards peine à tenir en haleine sur toute sa durée, il offre aux spectateurs quelques belles performances d’acteurs et des moments de grâce indéniables. Quant à la conclusion du film, une longue scène dans une salle de cinéma, elle nous dit que le septième art peut tout, y compris réécrire l’Histoire. Venu d’un réalisateur de la trempe de Tarantino, on peut trouver le message naïf. Mais c’est aussi une posture généreuse et fervente, celle d’un cinéaste qui croit au pouvoir distrayant et vengeur de son Art.

05 août 2009

Là-Haut, au sommet.

Là-haut, film américain de Pete Docter et Bob Peterson.
1h44. Sortie le 29 juillet 2009.

«Un film d'hauteur » assurait les affiches promotionnelles de Là-Haut : promesse tenue, ô combien ! Une preuve, s'il en fallait encore, de l'incontestable suprématie que le studio Pixar a acquise sur le genre animé de ce début de XXIème siècle.

En choisissant Carl Fredericksen, un vieillard veuf et antipathique, comme personnage principal de son nouveau film, Pixar poursuit son travail engagé depuis deux films autour des anti-héros repoussoirs et des figures mises aux bancs de notre société : après la rencontre avec Rémi, le rat gourmet de Ratatouille et Wall-E, robot romantique et esseulé, voici donc le spectateur flanqué d'un papi aigri et peu affable.

Carl Fredericksen vit reclus dans sa petite maison de banlieue, laquelle est grandement menacée de disparition par les projets immobiliers qui pullulent alentours. Un monsieur grincheux qu'on n'aurait franchement aucune raison d'aimer si une des scènes liminaires ne nous rappelait pas que ce vieillard qui n'intéresse plus personne fut jadis un jeune homme fringuant et bien mis de sa personne, un aventurier du quotidien passionné, amoureux, romantique. Ils avaient des rêves immenses, des espoirs incroyables. Oui, mais voilà, la vie s'est chargée de donner à Carl Fredericksen son âge et de le contraindre à remettre sans cesse à demain ce qu'il aurait dû engagé la veille.

A cet égard, une des scènes liminaires du film propose en deux minutes le panorama d'une existence, une rétrospective de la vie de Carl Fredericksen, de la rencontre amoureuse de son enfance jusqu'à la mort de sa bien aimée. Une aventure humaine croquée en quelque tableaux du quotidien, un morceau de bravoure qui justifie à lui seul qu'on se déplace dans les salles pour découvrir le film. De ces premières minutes, on ressort en effet ému aux larmes, étonné que l'animation ait atteint une telle maturité, qu'elle puisse enfin parler de l'Homme.

Suivent alors vingt belles minutes passées à explorer notre modernité à travers les yeux d'un homme hors-circuit. Le film décolle ensuite comme prévu et embraye sur d'immanquables péripéties et rencontres avec des personnages hauts en couleurs, en tête desquels un drôle d'oiseau et un chien parlant. Aventures et rebondissements qui séduiront d'abord les enfants.

Pourtant, le tour de force du film est de ne jamais céder à la tentation d'une narration trop prévisible et académique. Si l'on décolle dans Là-haut, c'est en effet pour très vite atterrir : comme dans Wall-E, le film part dans des directions inattendues, déjouant ainsi l'horizon d'attente du spectateur. Suprenante, la narration opère des ellipses et évacue plusieurs scènes d'action pour faire la part belle aux situations donnant à mieux connaître les personnages. Comme, s'il s'agissait de ne jamais sacrifier le vrai sujet du film. Le centre de l'attention, c'est bien ce grand-père grincheux qui semble incarner à lui seul toute l'audace de Là-haut, celle du contrepied. Ainsi le film célèbre-t-il l'aventure du quotidien et choisit-il de montrer les héros de l'enfance sous un jour peu flatteur, celui d'infâmes faux-culs pétris d'ambitions malsaines et de désirs de destruction. Une morale à la Capra en somme, pour un film d'une puissance émotive et d'une force distrayante rares.