Sortie : 28 octobre 2009. 1H44.
Une balle perdue qui vient se loger dans son crâne, et voilà que Bazil, employé d'un modeste vidéoclub, s'en va en guerre contre les industries de l'armement. Au détours d'une rue, il croise une bande d'énergumènes vivant à « Tire-Larigot », une caverne faite de bric et de broc qui trône au coeur d'une décharge publique. Bazil ne tarde pas à enrôler dans sa quête cette équipe de bras cassés, aux physiques atypiques, dont le cinéma de Jeunet nous a habitués.
Des moins que rien qui vont bousculer les nantis. Le sujet n'est pas neuf mais bon, pourquoi pas. Pourtant, le titre édifiant du dernier film de Jeunet affiche d'emblée la couleur (… couleur qu'on qualifierait sans hésitation de « jaunâtre», s'il fallait s'en tenir aux images faussement défraichies du film dont la pellicule semble avoir trempé un peu trop longtemps dans le café). La couleur, donc : le bricolage et la récup' règneront ici en maîtres. Il suffit de voir les intérieurs de la grotte de « Tire-Larigot » pour s'en convaincre. Magnifique décor fait de mille objets hétéroclites, d'un immense bric-à-brac savamment agencé... un joli travail de récup' donc, mais pour dire quoi ?
Ce qui inquiète en effet c'est le peu d'attention que le film porte à son histoire, laquelle pourrait être consignée sur un demi ticket de métro. Quant aux personnages, ils sont totalement sacrifiés, Jeunet étant visiblement bien plus préoccupé à filmer le bric à brac qui les entoure. Et voilà que le goût pour la mécanique déteint sur tout le film. Les personnages ne portent pas seulement des noms de machines (Calculette, Remington, Placard...): ils se trouvent réduits à des archétypes, pour ne dire des automates. C'est bien simple, ces esprits-là ne vivent pas ; ce ne sont que des corps mécaniques. La prouesse corporelle est partout, les personnages devant se faire objet pour mieux se fondre dans le capharnaüm de tire-larigot. Jeunet nous donne ainsi à voir des corps suppliciés, contraints par les machines : une contorsionniste qui rentre dans un frigidaire, ou Bazil qui deviendra, le temps d'une scène, un boulet vivant craché par un canon. Des personnages réifiés donc.
C'est qu'ils ne sont qu'un des rouages de l'immense mécanique d'un film-mécano à 22 millions d'euros. Une débauche de moyens et de trucages au service d'un oeuvre qui rêve sans doute de renouer avec la poésie bricolée de Delicatessen (Jeunet fait directement référence à ce film dans une scène... et la comparaison est cruelle pour son Mic-Mac). Là encore, il convient de faire du neuf avec du vieux : citations de scènes entières de Chaplin et références appuyés aux précédents films de Jeunet. L'art de la récupération est bien au coeur de l'écriture et de la réalisation du film. Mais voilà, il y a quelque chose de cassé dans l'univers de Jeunet. Si ce Mic-Mac n'est que rouages et machinerie, ça manque d'huile, à savoir, de vie : les gags se mettent en place avec labeur, les dialogues sont apprêtés et le film souffre d'un réel manque de rythme et d'énergie. Quant à l'improbable greffe Dany Boon, là encore, ça ne prend pas.
Vraiment, la mécanique est grippée. Un gâchis qu'on regrette pour ce cinéaste qui caricature ici son propre univers. La photographie est repoussante et la romance vire à la mièvrerie. Les méchants sont très méchants et les gentils très « gentils ». Morne horizon que celui dessiné par le film : entre des héros demeurés et des méchants cyniques, jamais un regard bienveillant ne se pose sur les personnages. Une oeuvre chosifiée, la vie réifiée. Sans doute aurait-il suffi de presque rien pour faire démarrer cette lourde mécanique. Ce petit rien, cela doit s'appeler « l'âme ».
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